Rapatriement des devises : Paris soutient la CEMAC dans son bras de fer contre les compagnies pétrolières

Face aux critiques de l’industrie pétrolière et à la menace d’un blocage du soutien du FMI, la France apporte son soutien aux pays de la CEMAC en défendant une politique de change garantissant le renforcement de ses réserves extérieures.

Les responsables économiques de la CEMAC en conclave à Paris
Sous l’égide d’Éric Lombard, ministre français de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et d’Iván Bacale Ebe Molina, ministre équato-guinéen présidant le Comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale, les responsables économiques de la CEMAC et de la France ont tenu, le 17 avril, une réunion de haut niveau consacrée aux « grands défis économiques et financiers ».

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Cette rencontre, qui s’inscrit dans le cadre des accords de coopération monétaire entre la France et la CEMAC, intervient dans un contexte de tensions croissantes autour de la réglementation des changes en Afrique centrale. L’occasion pour Paris de réaffirmer son soutien à la politique de rapatriement des devises mise en œuvre par la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC). « La France continuera à apporter son soutien à la CEMAC et à ses États membres, y compris dans la bonne mise en œuvre de la réglementation des changes et dans leurs relations avec le FMI », souligne le communiqué de presse publié par Bercy à l’issue de la rencontre.

Paris ne précise toutefois pas la nature concrète de son soutien, alors que les pays de la CEMAC engagent un bras de fer stratégique avec les multinationales pétrolières et minières. Le 25 mars dernier, l’élu républicain du Michigan, Bill Huizenga, a introduit auprès de la chambre basse du congrès américain, un projet de loi visant à suspendre toute intervention des États-Unis au sein du FMI en faveur des pays de cette région (Cameroun, Gabon, Tchad, Congo, RCA, Guinée Équatoriale). En ligne de mire : la volonté de ces derniers d’imposer le rapatriement des fonds RES, provisions que les entreprises extractives doivent constituer pour restaurer les sites après exploitation.

La réunion de la dernière chance

Sur instruction des chefs d’État de la région, la BEAC a fixé un ultimatum au 30 avril 2025. Au-delà de cette date, de lourdes sanctions seront appliquées aux entreprises n’ayant pas signé les conventions de comptes séquestres nécessaires au rapatriement des fonds RES. En guise de représailles, Washington pourrait alors exercer son droit de véto au Conseil d’administration du FMI pour verrouiller les appuis budgétaires dans le cadre des programmes économiques et financiers actuels et futurs.

Avec 16,73 % des droits de vote au sein du Fonds, les États-Unis disposent d’un droit de veto de fait, ce qui rend cette initiative législative particulièrement préoccupante pour les équilibres financiers régionaux. En prélude à la réunion de Paris, une concertation s’est tenue les 15 et 16 avril entre les pétroliers et les États, mais n’a abouti à aucun consensus, chaque partie campant sur sa position. « Il n’ya pas eu d’avancée notoire. Les industriels campent sur leur position en réclamant que la BEAC renonce à son immunité d’exécution. Problématique non négociable pour la BEAC », indique une source proche du dossier. Une dernière rencontre est d’ailleurs prévue le 22 avril prochain à Washington pour tenter de trouver un compromis.

86 milliards FCFA de pertes en vue

Dans ce bras de fer qui prend une dimension géopolitique, les pays de la CEMAC jouent gros. S’ils décident de faire machine arrière, ils disposeront de peu d’alternatives pour reconstituer leurs réserves extérieures -estimées à 4,8 mois d’importations de biens et services en mars 2025- et stabiliser ainsi leur monnaie. Une étude menée par la BEAC estime que le rapatriement des fonds RES pourrait générer jusqu’à 6 000 milliards FCFA (environ 9,6 milliards de dollars) de devises pour les pays de la CEMAC, renforçant ainsi leur équilibre extérieur. À l’inverse, le retrait du soutien du FMI menacerait la stabilité macroéconomique. Or, comme le rappelle Bercy, ces appuis sont cruciaux pour « accompagner la consolidation budgétaire et la mise en œuvre des réformes ».

« La BEAC une nouvelle occasion de revenir à la table des négociations et de faire ce qui est juste en se débarrassant de ces réglementations qui freinent notre région », a déclaré NJ Ayuck, le Président de la Chambre Africaine de l’Énergie. Selon cette organisation, la stricte application de la réglementation des changes pourrait faire chuter les investissements étrangers de 45 milliards de dollars dans la région CEMAC d’ici 2050 et faire perdre jusqu’à 86 milliards de dollars de recettes publiques.

IC

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