
Dans une démarche audacieuse visant à asseoir son contrôle sur ses ressources naturelles, le gouvernement militaire nigérien a intensifié ses opérations de nationalisation en saisissant du matériel dans les bureaux d’Orano, une entreprise publique française spécialisée dans le combustible nucléaire. Le raid, mené le 5 mai 2025, a ciblé les filiales d’Orano – Somair, Cominak et Orano Mining Niger – à Niamey, la capitale. Les forces de sécurité ont confisqué des biens, notamment des téléphones portables. Cette opération marque une escalade significative dans la campagne du Niger visant à mettre fin à l’exploitation française de ses mines d’uranium, soulignant l’aggravation des tensions entre ce pays d’Afrique de l’Ouest et son ancienne puissance coloniale.
Raid et arrestations dans le cadre d’une campagne de nationalisation
Ce raid fait suite à la prise de contrôle opérationnelle par le Niger, en décembre 2024, de la mine d’uranium de Somaïr, dans la région d’Arlit, au nord du pays. Orano détient 63,4 % des parts et l’État nigérien 36,6 %. Des rapports indiquent que le directeur local d’Orano, Ibrahim Courmo, a été arrêté lors de l’opération de Niamey, bien que le gouvernement n’ait pas officiellement confirmé sa détention. Orano a exprimé son inquiétude, déclarant n’avoir pas pu contacter son représentant et disposer d’informations « très limitées » en raison de la perte du contrôle opérationnel de ses filiales l’année dernière.
Les actions du Niger s’inscrivent dans une stratégie plus large de nationalisation de son industrie de l’uranium, un secteur crucial pour le septième producteur mondial d’uranium, qui représente environ 5 % de la production mondiale. En juin 2024, la junte militaire a révoqué le permis d’exploitation d’Orano pour la mine d’Imouraren, l’un des plus grands gisements d’uranium au monde, invoquant l’incapacité de l’entreprise à reprendre le développement dans les délais impartis. Le gouvernement a depuis déclaré la mine « retournée au domaine public », signalant ainsi sa volonté de privilégier les intérêts nationaux aux concessions étrangères.
Défi contre l’influence française
Depuis le coup d’État de juillet 2023 qui a renversé le président Mohamed Bazoum, les dirigeants militaires du Niger, sous la direction du général Abdourahamane Tiani, ont mené une politique anti-occidentale, expulsant les troupes françaises et révisant les accords miniers étrangers. La junte accuse la France d’exploiter les ressources du Niger tout en appauvrissant sa population, dont 70 % est privée d’électricité. L’uranium nigérien a historiquement alimenté 15 à 17 % des réacteurs nucléaires français, essentiels à son secteur énergétique. Pourtant, les Nigériens affirment que le pays ne tire que des bénéfices minimes de ces opérations.
Le gouvernement a demandé aux entreprises étrangères, notamment françaises, de se conformer à la nouvelle réglementation minière visant à accroître les recettes et le contrôle de l’État. En septembre 2024, le Niger a créé la Société nationale d’uranium de Timersoi (TNUC) pour superviser ses actifs uranifères, consolidant ainsi ses efforts de nationalisation. Le raid contre les bureaux d’Orano souligne la détermination de Niamey à faire respecter ces lois, les autorités ignorant les tentatives de négociation d’Orano, notamment les propositions de transport aérien de 1 150 tonnes de concentré d’uranium échoué, d’une valeur de 210 millions de dollars.
Changements géopolitiques et implications régionales
Les actions du Niger reflètent une tendance régionale plus large de rejet de l’influence occidentale, comme on l’observe au Burkina Faso et au Mali voisins, qui ont également expulsé les forces françaises et se sont alignés sur la Russie et la Chine. Les analystes suggèrent que les entreprises russes et turques pourraient bientôt se disputer les concessions d’uranium du Niger, le ministre des Mines, le colonel Abarchi Ousmane, indiquant son ouverture à de nouveaux partenaires en novembre 2024. Ce changement intervient alors que l’influence de la France au Sahel diminue, aggravée par son refus de reconnaître la junte nigérienne, ce qui a alimenté l’hostilité envers des entités françaises comme Orano.
La nationalisation a suscité des réactions mitigées. Ses partisans affirment qu’elle permettra au Niger de financer des projets de développement, d’améliorer les infrastructures et de réduire sa dépendance vis-à-vis des puissances étrangères. Cependant, ses détracteurs préviennent que cette mesure pourrait déstabiliser le secteur minier, décourager les investissements et aggraver les difficultés économiques dans un pays où la pauvreté demeure endémique. Orano, présent au Niger depuis plus de 50 ans, s’est engagé à défendre ses droits devant les tribunaux nationaux et internationaux, tout en regrettant l’impact sur ses employés et les communautés locales.
Attention mondiale et incertitude future
La saisie des équipements d’Orano par le Niger a suscité une attention internationale, l’Union européenne et la France exprimant leur inquiétude quant à la perte d’un fournisseur clé d’uranium. En 2022, le Niger a fourni plus d’un quart de l’uranium de l’UE, ce qui en fait la deuxième source d’uranium du bloc après le Kazakhstan. Le blocus des exportations en cours, exacerbé par la fermeture de la frontière entre le Niger et le Bénin, a déjà contraint la France à s’appuyer sur des fournisseurs alternatifs comme le Canada et le Kazakhstan, malgré une hausse controversée de 70 % des importations européennes en provenance de Russie depuis 2023.
Alors que le Niger s’apprête à affirmer sa souveraineté sur ses richesses en uranium, le raid sur les bureaux d’Orano marque un nouveau chapitre dans sa quête d’autonomie économique. Pourtant, avec 1 150 tonnes de concentré d’uranium bloquées et des tensions financières croissantes à la Somaïr, l’avenir reste incertain. La communauté internationale suit de près le Niger dans cette entreprise aux enjeux considérables, cherchant à concilier fierté nationale et risques d’isolement et de perturbations économiques.
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